Qu’est-ce que c’est que le crédit ? C’est quoi le crédit de l’Etat ?, le décorticage du Dr. Konaté
Que vous le cerniez au sens étymologique ou usuel, ouvrez n’importe quel dictionnaire spécialisé en français, il vous dira qu’il s’agit de réputation d’être solvable, de pouvoir honorer ses dettes, de pouvoir emprunter de l’argent ou un bien quelconque.
Le professeur Albert BORDEAUX, dans sa thèse de doctorat soutenue en 1936 sur « la loi du 12 février 1924 et la répression pénale actuelle des atteintes au crédit de l’Etat » revient sur la notion de crédit : « le mot crédit qui vient du verbe latin « credere », croire, exprime l’idée d’une croyance, croyance en l’existence de certaines qualités chez une personne, de certains biens à l’intérieur d’un patrimoine. Cette croyance se manifeste par de la confiance accordée à un particulier auquel on attribue telles qualités personnelles ou que l’on croit propriétaire de biens plus ou moins importants. Lorsque cette confiance est accordée pour des faits d’ordre économique, et particulièrement d’ordre monétaire, elle prend le nom de crédit…
Cette confiance doit être fondée sur des bases sérieuses et il apparait nettement à toute réflexion que celles-ci peuvent se ramener à deux éléments essentiels : un élément d’ordre psychologique et moral d’une part, un élément matériel de l’autre. ».
Le crédit de l’Etat consiste donc, en « la confiance qu’il inspire aux tiers pour le paiement de sa dette en capital et en intérêts ». Le délit de l’atteinte au crédit de l’Etat est une pâle copie de la loi du 12 février 1924 en France, abrogée par la loi du 18 août 1936 réprimant les atteintes au crédit de la nation.
Le professeur Nicholas DELALANDE, grand historien de sciences politiques, a écrit un excellent article sur la genèse de la loi du 12 février 1924 sur la répression des atteintes au crédit de l’Etat, dans une revue scientifique en 2016, intitulé : « Protéger le crédit de l’Etat : spéculation, confiance et souveraineté dans la France de l’entre-deux-guerres ». Il y explique comment les conséquences financières de la première guerre mondiale, conjuguées aux effets de la crise économique mondiale de 1920, ont ébranlé les assises financières de l’Etat français, au point qu’une partie de l’opinion commençait à croire aux discours politiques sur son insolvabilité. C’est pour circonscrire une telle menace que cette loi fut votée.
La doctrine est unanime sur le caractère financier du délit d’atteinte au crédit de l’Etat. Le droit est clair. Après tout, cela n’empêche pas que dans une situation hors-la-loi, un censeur puisse s’écrier : le droit, c’est moi ! Ou bien, que dans la confusion du genre, l’incompétence puisse régner sous l’habit du sachant.
A suivre pour la deuxième partie !
Dr Mahamadou KONATÉ, Juriste publiciste, historien du droit