47 ans de l’assassinat du Président Modibo Keita : Devoir de mémoire de Cheick Oumar Sissoko
Il était une fois, un tyran dans le Sahel, un dictateur qui a ensanglanté son pays pendant plus de deux décennies. Il a tué des centaines de ses compatriotes, hommes politiques, militaires, étudiants, syndicalistes. Il en a emprisonné des centaines dans des prisons au fin fond du désert saharien, Kidal, Boureissa, Abeibara, Intadenit… et dans le tristement célèbre bagne de Taoudénit qu’il a créé pour éliminer ses opposants dans des conditions inhumaines de travaux forcés, accompagnés de tortures, par le lieutenant Nientao et autres officiers et leurs gardes.
Triste sort que celui de Modibo Keita assassiné en 1977 en prison, et de ses compagnons de l’USRDA, arrêtés en 1968, emprisonnés pour la plupart à Kidal et à Intadenit, après le coup d’état du 19 Novembre 1968. Libérés en 1977-1978, ils ne furent jamais jugés et pour cause. Les auteurs du coup d’état et leur tyran de chef, n’avaient aucune faute à leur reprocher. David Coulibaly militant USRDA arrêté, fut battu, torturé jusqu’à sa mort, dans le sable chaud du désert à Intadenit. Il avait refusé de se plier à leur bestialité.
Triste sort que celui du Grand Capitaine Diby Syllas Diarra et de ses compagnons déportés en 1969 au bagne de Taoudenit, où le Capitaine Diby mourut dignement, après des sévices atroces du lieutenant Nientao, exécuteur des consignes du tyran. Leur tort était d’avoir refusé de s’aligner sur la félonie des putchistes du 19 novembre 1968.
Triste sort que celui du Capitaine Yoro Diakité le PM du tyran, tué au bagne de Taoudenit. Il aurait eu des velléités de chef de leur junte. Triste sort que celui du lieutenant Mamadou Lamine Sissoko et de ses « supposés complices » tués au bagne de Taoudenit. Ils avaient été arrêtés pour tentative de coup d’état. Triste sort que celui des colonels Kissima Dounkara, Tiecoro Bagayogo membres du CMLN, et de leurs collaborateurs militaires sauvagement assassinés dans le bagne de Taoudenit après leurs arrestations le 28 février 1978. Triste sort que celui du Colonel Joseph Mara autre membre du CMLN. Il purgea sa peine dans la douleur dans le même bagne. Triste sort que celui du Professeur Ibrahima Ly envoyé au bagne de Taoudenit. Ses compagnons politiques du Regroupement des Patriotes Maliens, battus, torturés, furent éparpillés dans les prisons du pays. Ils avaient dénoncé en patriotes courageux, dans un tract mémorable, la constitution inique du 02 juin 1974. Leur détention dura 4 ans.
Triste sort que celui des élèves et étudiants massacrés le 22 mars 1991 après une série d’arrestations et d’assassinats dont les premiers frapperont à Bamako, le jeune étudiant Abdoulaye Tangara en 1970, et Abdoul Karim Camara Cabral le 17 mars 1980, puis Ibrahima Thiocary la même année de 1980, à Sévaré…et Oumar Blondin Diop un jeune et brillant universitaire Sénégalais de mère malienne, livré à Senghor qui le fit mourir en prison en 1973.
Ce tyran dont nous parlons, fut le plus grand criminel du Mali postcolonial, et on veut nous le faire passer pour un patriote, un bâtisseur.
Modibo Keita et ses compagnons avaient donné à notre pays sa souveraineté politique, militaire et monétaire. Le coup d’état de 1968 fomenté sous l’égide de la France, nous a fait revenir en arrière dans le giron de l’impérialisme avec les accords de défense et de coopération économique, le retour du franc cfa, de la CFDT, du BDPA, du BRGM, sociétés françaises rompues à l’exploitation excessive de nos ressources naturelles et humaines.
Ce coup d’état prévu le 1er janvier 1969, avait été reprogrammé le 19 novembre 1968, sur la demande d’Houphouët Boigny, porte-parole et complice de la France, au motif que la cérémonie de la pose de la 1ère pierre du « Chemin de fer Bamako-Conakry » devait avoir lieu ce 1er janvier en présence des Présidents des 2 pays, et de Chou En Lai représentant la Chine, pays ami, fournisseur de tout le matériel déjà livré au port de Dakar. La perte de cet immense projet ferroviaire ouvrant des perspectives économiques immenses et des emplois pour le Mali et la Guinée, est à mettre au crédit du tyran.
Et ce n’est pas tout ! Le PAS (programme d’ajustement structurel), signé en 1979 avec le FMI et la Banque Mondiale, va sceller définitivement le sort du Mali avec le capital international qui va exiger et obtenir : la libéralisation du secteur agricole à l’exception du coton, domaine réservé à la France et à sa CFDT; la déréglementation du fonctionnement de l’économie dont la régulation enlevée à l’état malien, est désormais laissée aux forces du marché qui circulent librement dans le monde, c’est à dire le capital financier international; la privatisation du secteur de l’État, les banques, l’énergie, la communication, les Sociétés et Entreprises d’Etat (SEE) qu’elles soient rentables ou non ; la diminution des budgets des secteurs sociaux de base: culture, éducation, santé.
La crise économique et financière qui a suivi, a frappé toutes les couches de la société : les licenciements abusifs, fermeture des SEE comme Air Malil ; chômages, trois mois sans salaires des fonctionnaires, corruption au sommet de l’état, absence de libertés démocratiques.. Et pour couronner le tout : abandon de la souveraineté monétaire. C’est le retour au franc Cfa.
Cet apatride de chef d’état dont la femme et ses 2 frères étaient les plus grands prédateurs du pays, nous est présenté depuis 2020 comme un héros, un grand patriote. Un grand malade atteint de mythomanie et de logomachie, s’échine à nous en faire la démonstration. C’est finalement une fable, qui va donner une dimension mystique à notre tyran, à qui, un songe aurait révélé selon les réseaux sociaux, la venue dans 30 ans de « jeunes » au pouvoir qui vont changer le pays. Nous sommes dans les années 80-90. Alors, notre tyran se serait-il empressé d’amasser fortune, d’ouvrir et d’approvisionner un compte en URSS, compte qu’il va mettre à la disposition de ces « jeunes » du CNSP venus au pouvoir, le 18 Août 2020 à la faveur d’un coup d’état. Et ces « jeunes » « d’expliquer », comment ils ont pu acquérir tant d’armements avec la Russie de Poutine. C’est une fable. Il n’en sort rien de sérieux.
Le tyran qui a plongé les populations dans la paupérisation, l’école et la santé dans la désolation est » réhabilité ». Son mythomane qui en a fait un objectif, caracole d’un micro à l’autre en bon Bonimenteur. Il en oublie sa mission. Qui est donc ce tyran? La fable nous livre son nom, secret de polichinelle, Moussa Traore. Il a été d’une inhumanité qui a plongé le pays dans la souffrance physique et morale. Il a été d’une incompétence qui a mis notre économie dans le marasme. Aucun secteur économique, social, culturel, sportif ne peut être cité en exemple de réussite, à part des exceptions dues aux projets individuels et aux financements extérieurs. Ce tyran a été mis aux arrêts le 26 Mars 1991 par une insurrection populaire.
Devoir de mémoire : le saviez-vous ?
Modibo Keita est assassiné le 16 Mai 1977 à Bamako, au Camp Para de Jikoroni. Le tyran fait annoncer à Radio Mali, comble de la bêtise humaine, le décès d’un instituteur à la retraite. Il interdit de lui reconnaître le titre d’ancien Président du Mali. Il refuse à Mariam Travélé, son épouse, l’ultime devoir de recueillement sur le corps de son mari défunt. Mariam Travélé, séparée de son mari depuis le 19 Novembre 1968, était en détention dans la prison de Sikasso. Il lui est interdit aussi, d’observer le veuvage. Mariam Travélé n’est libérée qu’en 1978, un an après l’assassinat de son mari. Elle meurt en 2014, 37 ans après lui. C’était le beau jour de sa vie. Elle allait enfin rejoindre son époux, son ami, son camarde dont elle fut séparée depuis 1968.
Le Mouvement démocratique que le grand malade de Bonimenteur se plaît à dénigrer avec force gestes, n’a jamais séparé le tyran et son épouse. Mieux, une villa avec tout le confort, a été spécialement aménagée et mise à leur disposition dans la ville de Markala. Condamné à la peine de mort, la peine de ce criminel fut réduite à 10 ans dans le confort douillet de la villa du Mouvement démocratique qui a ainsi montré son sens du pardon, de la tolérance, allant jusqu’à l’installer après sa peine, dans une villa luxueuse à étages, au titre d’un ancien président, droit qui ne lui était plus reconnu, du fait de ses crimes, et de sa condamnation. C’est dans cette 2ème villa luxueuse du mouvement démocratique, que ce tortionnaire est mort. C’est là que réside encore son épouse tristement célèbre pour l’affaire de l’or qui a conduit un vrai fils du pays, Soumana Sacko, alors Ministre des finances, à démissionner. Peut-être que c’est cet or qui nous était volé, qui a fini en Russie. La fable n’en pipe pas un mot. Que Dieu sauve le Mali!
Hommage aux Martyrs de Mars 91. II est honteux de les traiter de voyous, de mendiants. Ils étaient des Maliens fauchés par les balles assassines d’une soldatesque aux ordres d’un grand criminel. Et ceux qui veulent le dédouaner en le portant aux nues, avec des mensonges, ont été ses complices. Ils ne valent pas mieux que lui. Ils peuvent continuer à radoter. L’histoire les jugera de façon implacable. Dieu veille
Vive le Mali
Cheick Oumar SISSOKO, Cinéaste (Devoir de Mémoire )