Livre de Choguel : Soumana Sacko le qualifie ‘’un torchon-à la mémoire peu fiable’’
Aggiornamento : Soumana Sako dément des chapitres entiers du dernier livre de Choguel. Des chiffres, des dates et des illustrations. À ne pas manquer ! L’ancien Premier ministre Soumana Sako réagit à des propos qu’il qualifie de mensongers dans le livre de l’actuel Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maiga
Ce monsieur raconte du n’importe quoi, des mensonges fabriqués de toutes pièces ! Juste un exemple : ll prétend qu’en 1986, je suis allé voir le Président Moussa Traoré pour lui proposer mes services pour résoudre la crise des salaires « . Archifaux! C’est plutôt Moussa Traoré qui, par le canal de son Directeur de Cabinet, le Dr N’Golo Traoré, m’a appelé dans son bureau à la Maison du Peuple le mercredi 18 février 1987 vers 14h.
Après une longue présentation sur la corruption du régime et la » nécessité d’un réarmement moral du Peuple malien « , le Président conclua qu’il avait « besoin de mes services comme Ministre des Finances et du Commerce ». En réaction, j’ai posé successivement 3 conditions que le Président a acceptées avant que je n’accepte son offre de portefeuille ministériel. Pour l’Histoire, au mois de juin 1987, après un long échange plutôt tendu entre le Président Moussa Traoré et moi, j’ai immédiatement demandé au Secrétaire Général de la Présidence de me programmer une audience avec le Président. Ce qui fut accordé dès le lendemain. Ce jour-là, je suis entré dans le Bureau présidentiel avec ma lettre de démission en poche.
J’étais venu vérifier si le Président restait toujours sur la ligne des 3 conditions que j’avais posées le 18 février 1987. Ses réponses m’ont donné satisfaction, je n’ai donc pas eu à sortir ma lettre de démission. Je ne suis resté que 6 mois et quelques jours au Département des Finances et du Commerce, et non 2 ans comme le pretend cet auteur à l’imagination fertile mais ayant une forte propension à prendre trop de liberté avec les faits.
Ma lettre de démission existe, elle est datée du dimanche 22 août 1987 avec effet au lundi 23 août 1987. Dans leur rapport de moralité me concernant (comme c’était la règle à l’époque), les services spéciaux n’ont rien caché au Président Moussa Traoré : Ce monsieur n’est pas membre de l’UDPM, il estime que ce n’est pas le rôle de l’Armée de diriger l’Etat et qu’en tant que militaire, vous n’avez pas le droit d’être Président de la République du Mali. Ils ont contrebalancé ses constats réels par ce qu’ils ont présenté comme mes qualités faisant de moi « l’homme de la situation » à leurs yeux. Il convient de souligner que, de toute ma carrière professionnelle ou politique au Mali, je n’ai jamais cherché un poste ni fait intervenir quelqu’un pour obtenir une nomination. Il n’y avait aucun rapport, ni direct ni indirect entre le Ministre d’Etat Oumar Coulibaly, le Président Moussa Traoré ou le Président ATT et moi lorsqu’ils m’ont nommé successivement et respectivement, Conseiller Technique au Ministère d’Etat chargé de l’Economie et du Plan, Directeur de Cabinet/Secrétaire Général au Ministère d’Etat chargé de la Tutelle des Sociétés et Entreprises d’Etat, Ministre des Finances et du Commerce, enfin Premier ministre, Chef du Gouvernement de Transition 1991-1992.
A mon retour au Mali après mes études aux USA, le tout premier poste que j’aurais pu occuper était celui de Directeur Général Adjoint de la BNDA. Pour ce faire, le tout premier Directeur général (M. Coutan, un français car à l’origine les statuts reservaient le poste à la France) m’indiqua que je devais aller voir le Ministre des Finances et celui de l’Agriculture car le DG Adjoint était nommé par arrêté interministériel de ces deux ministres. J’ai retorqué à M Coutan qu’il était hors de question que j’aille « voir » un Ministre ou qui que ce soit pour être nommé à quelque poste que ce soit. « Mais, M Sako, c’est comme ça que ça se fait au Mali, il faut voir les autorités pour accéder à un poste », insista-t-il, mais en vain.
L’auteur du livre- ou plutôt du torchon- a la mémoire peu fiable. A titre d’illustration, le débat organisé par l’Adema-PASJ a eu lieu le 25 mai 2022, et non le 2 avril de cette année. Je n’ai pas dit que le Mali avait perdu la guerre de 1985 contre le Burkina Faso. J’ai plutôt dit qu’alors qu’il est indéniable que le Mali avait gagné la guerre de 1974 contre ce pays frère et voisin, le fait que le Président Moussa Traoré ait rétrogradé le Chef d’Etat-Major Général de l’Armée au grade de Colonel (en fait, il a fallu l’intervention de M’Bouillé pour éviter que le Général Sangaré ne soit rétrogradé comme soldat 2ème classe) avant de le rayer des effectifs de l’Armée n’était pas le symbole d’une Armée ayant gagné une guerre.
Sur la question des « fonds destinés aux partants volontaires à la retraite » qui revient comme un serpent de mer dans la bouche de cet auteur à l’imagination débridée, il est curieux qu’il ose s’en prendre, près de 32 ans après la fin de la Transition 1991-1992, au Premier ministre de l’époque qui pourtant n’était ni Ministre des Finances, ni Ministre du Plan, ni Directeur du Trésor, en occultant ses camarades de l’UDPM qui ont occupé ces postes dans les années précédant le 26 mars 1991. Avec ce genre d’insinuations totalement infondées contre ma personne , c’est à se demander si l’auteur du « livre » ne met pas tout en œuvre pour susciter contre sa personne une action judiciaire en calomnie et diffamation.
S’agissant du procès « Crimes économiques » intenté contre le Président Moussa Traoré, l’auteur du torchon raconte des élucubrations. Il faut rappeler qu’à la suite de la sanglante répression des manifestations pro-démocraties qui ont debouché sur la chute de la dictature UDPM le 26 mars 1991, il y avait un fort courant d’opinion qui exigeait que le Président déchu et ses compagnons du BEC et du Gouvernement soient purement et simplement passés en public devant un poteau d’exécution, tant les preuves étaient flagrantes.
C’est plutôt sur l’insistance du Premier ministre que j’étais que la voie du procès public et équitable a finalement été retenue. Entre autres arguments, j’ai fait valoir au Président ATT ceci:
1) l’opinion publique est par définition versatile. Lui et moi avons occupé de hauts postes sous l’Ancien régime. Après les applaudissements des premiers jours suivant l’exécution publique hors procès de Moussa Traoré, l’opinion publique pourrait commencer à soutenir que nous avons empêché Moussa Traoré de parler de peur qu’il ne ‘déballe » des secrets contre nous;
2) Face à l’Histoire, nous devons nous comporter en hommes d’Etat plutôt qu’en vulgaires politiciens simplement avides d’ovations populaires ;
3) Si on suppose que tous les membres du BEC et du Gouvernement sont a priori coupables parce qu’ils étaient au pouvoir à la date du 26 mars 1991, on ne trouvera plus de maliens pour accepter d’occuper de tels postes à l’avenir;
4) certains portefeuilles ministériels n’ont rien à voir avec les décisions d’emploi de la force armée ;
5) il convient de tirer les leçons des « procès staliniens » en Union Soviétique qui,après la mort de Joseph Staline, ont été rouverts et révisés non sans avoir causé beaucoup de déchirements douloureux au sein de la société soviétique;
6) le Président Moussa Traoré et ses co-accusés doivent avoir accès à tous les avocats de leur choix, y compris des avocats étrangers, pour que personne ne puisse prétendre plus tard qu’ils ont été condamnés parce qu’ils ont été empêchés d’engager des avocats de leur choix;
7) Après le coup d’Etat du 19 novembre 1968, le Président Modibo Keïta et ses compagnons ont été détenus dans des conditions subhumaines pendant plusieurs années sans avoir jamais eu droit à se défendre dans un procès public et équitable.
La démocratie naissante malienne doit se démarquer des pratiques d’un régime dictatorial. Soit dit en passant, parmi les détenus et leurs proches, certains exprimaient leur crainte que je ne m’abonne à des règlements de compte contre eux. Ce à quoi je repondais toujours (les enregistrements audio et vidéo existent): je n’ai de compte à régler avec personne. Mais certains ont des comptes à rendre à la loi, et cela se fera en toute transparence et en toute équité.
Devant une Cour d’Assises, les accusés sont présentés menottés à la barre devant le Président de la Cour qui ordonne alors qu’ils soient démenottés. J’ai ordonné au Ministre de la Sécurité que ce n’était pas la peine d’infliger au Président Moussa Traoré et à ses co-accusés une telle humiliation publique, le fait de les passer en jugement retransmis en direct à la télé et à la radio étant déjà suffisant, surtout que certains d’entre eux se croyaient invincibles.
Je n’ai pas attendu de quitter le Gouvernement du Général Moussa Traoré pour savoir qu’il était un dictateur. J’étais déjà délégué des Étudiants de l’ENA aux rencontres organisées en novembre 1970 à l’ENSUP dans le but de mettre en place une faîtière des Étudiants et Élèves contre le régime militaire qui a usurpé le pouvoir le 19 novembre 1968. Trois ans plus tard, j’ai joué un rôle-clé dans la création de l’UNEM (Union Nationale des Étudiants du Mali) dont l’acte de création intitulé Charte de l’Etudiant stipulait clairement qu’elle devait servir à la prise de conscience des masses populaires dans la lutte contre » l’impérialisme et ses valets nationaux « . En outre, contrairement aux usages de l’époque , dans mes discours et interviews en tant que Ministre des Finances et du Commerce, je n’ai jamais fait référence « au Président » ou au « Secrétaire Général du Parti « .
Pour la petite histoire, lors de ce qui devait être mon tout dernier Conseil des Ministres en début août 1987, j’ai eu une longue empoignade verbale -et prémonitoire-avec le Président Moussa Traoré concernant la procédure et les critères de nomination des cadres à des postes même techniques.
Dr Soumana Sako, Ancien Premier Ministre